« Tu n’as pas l’air malade », « C’est dans ta tête », « Tu es sûr·e que ce n’est pas un peu exagéré ? » — Ces phrases, souvent lancées sans malveillance, traduisent pourtant un phénomène bien réel : le validisme ordinaire. Lorsqu’un handicap est invisible, il dérange, interroge, ou pire, est nié. Pourtant, invisible ne veut pas dire imaginaire.
Le handicap invisible, c’est quoi ?
On parle de handicap invisible lorsque les limitations fonctionnelles d’une personne ne sont pas immédiatement perceptibles par autrui. Cela peut concerner des troubles neurologiques, sensoriels, psychiques, chroniques ou encore des douleurs persistantes. Contrairement à l’image stéréotypée du handicap associée à un fauteuil roulant, les handicaps invisibles représentent une majorité silencieuse et souvent incomprise.
Le validisme ordinaire : ce que l’on ne voit pas, on le remet en doute
Le validisme est un système de discrimination basé sur la norme du corps ou de l’esprit « valide ». Lorsqu’il est ordinaire, il s’exprime au quotidien, souvent inconsciemment, à travers des paroles, des attitudes ou des décisions. Cela se manifeste par des réflexions culpabilisantes (« Tu devrais faire un effort »), une infantilisation (« Tu veux qu’on t’accompagne aux toilettes ? ») ou des accusations d’abus (« Encore en arrêt maladie ? »).
Ce validisme est d’autant plus insidieux face au handicap invisible, car l’absence de « preuves visibles » pousse à la suspicion, au doute, voire au rejet. Le regard social devient alors une double peine pour les personnes concernées : non seulement elles vivent avec des difficultés réelles, mais elles doivent aussi justifier leur légitimité à exister dans l’espace public, à demander des aménagements, à dire « non ».
Le poids de la preuve : une charge injuste
Pour être cru·e, il faut prouver. Par des certificats, des bilans, des témoignages médicaux. Et même là, le doute subsiste. Cette injonction constante à se justifier épuise. Être handicapé·e et devoir le démontrer en permanence est une violence psychologique sourde.
C’est aussi un frein à l’inclusion dans l’emploi, la formation, les loisirs. Combien de personnes se taisent par peur d’être stigmatisées, incomprises ou licenciées ? Combien renoncent à des soins, à des projets, à leur épanouissement personnel ou professionnel ?
Changer de regard, c’est possible
Déconstruire le validisme ordinaire commence par écouter les personnes concernées, sans minimiser ni juger. C’est reconnaître que la douleur, la fatigue, la surcharge sensorielle, l’anxiété ne sont pas toujours visibles, mais bel et bien réelles. C’est accepter de ne pas comprendre pleinement, mais de respecter tout de même.
C’est aussi une affaire de politique publique, d’organisation du travail, d’éducation. Cela passe par des campagnes de sensibilisation, des formations à l’accueil inclusif, des espaces de parole sécurisés et l’intégration du vécu des personnes handicapées dans les processus décisionnels.
Pour une société réellement inclusive
Le respect des différences ne se mesure pas à ce que l’on voit. Il se mesure à notre capacité collective à faire une place à toutes les existences, visibles ou non. À reconnaître que le handicap n’a pas besoin d’être spectaculaire pour être pris au sérieux.
Il est temps de briser le mythe selon lequel ce qui ne se voit pas n’existe pas. Il est temps de faire évoluer nos mentalités et nos pratiques pour construire une société plus juste, plus humaine, plus inclusive. Car invisible ne veut pas dire imaginaire, mais bien trop souvent, ce sont les personnes concernées qui doivent le rappeler — au prix de leur énergie, de leur dignité, et parfois de leur santé.

